Le Front national au bord de la faillite?
Au Congrès de Tours, Jean-Marie Le Pen va certes laisser la main du Front national au nouveau président mais il s'apprête à léguer également un autre héritage nettement moins excitant : les finances du parti, dégradées depuis 2007.
« Si Marine Le Pen n’avait pas fait une si bonne prestation à l’émission "A vous de juger", je ne payais pas le Congrès. » La déclaration a beau sonner comme un coup de com’ dans la bouche de Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN et soutien de Marine, elle en dit long sur l’état des caisses du parti. Confronté à de nombreux ennuis financiers depuis 2007, le Front semble avoir de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.
Une élection, ça coûte énormément
2007, année de déroute électorale pour le Front. A la présidentielle, Jean-Marie Le Pen ne parvient à récolter que 10,44 % des voix, rien à voir donc avec ses 16,86 % qui lui ont permis de se maintenir au second tour en 2002. Une défaite dans les urnes qui a un coût : 9,7 millions d’euros pour l’ensemble de la campagne.
Les législatives de juin n’arrangent rien. Le FN s'effondre à 4,3 %, soit moins 7 points par rapport au scrutin de 2002. Seule la vice présidente du Front et actuelle candidate à la présidence parvient à se maintenir au second tour dans la circonscription du Pas-de-Calais, mais finit battue par le candidat socialiste.
Le FN enregistre alors ses plus mauvais scores lors d'élections nationales depuis la fin des années 1980. Plus problématique que la perte d’électeurs, la perte des financements engendrée par la débâcle électorale aux législatives. Tout parti politique reçoit une subvention accordée par l’Etat ; la première fraction de cette aide publique étant répartie entre les partis en fonction de leurs résultats lors du dernier renouvellement de l’Assemblée nationale. Ainsi, l’aide publique au financement du FN passe de 4,6 avant 2007 à 1,8 millions d’euros après les législatives. « 2007 nous aura coûté très cher », conclue Wallerand de Saint-Just.
Le Rachinel : « Remboursez ! »
Conséquence des campagnes de 2007 et 2008, le FN a contracté des dettes. Et un créancier en particulier compte bien récupérer son argent. Fernand Le Rachinel, imprimeur de son état, aurait apporté près de 8 millions d’euros au Front, utilisés par le parti pour acheter des documents électoraux et des services aux candidats, notamment auprès de sociétés appartenant à Le Rachinel.
Soucieux de récupérer son argent, l’ancien compagnon de route du leader frontiste saisit le tribunal de Nanterre en 2008. En février 2009, la Cour d’appel de Versailles condamne le FN à verser plus de 6,3 millions d'euros de dettes majorées de près de 600 000 euros d'intérêts à Le Rachinel. Pour se rembourser, l’ex eurodéputé saisit, en février 2010, la totalité de la subvention publique accordée pour l’année au FN, soit 1,8 million.
Après les difficultés de 2007, voilà le parti d’extrême-droite privé de son plus gros financement (en 2009, la subvention accordée par l’Etat représentait 44,7 % des recettes du Front). « Ça a été très dur, on a dû faire la manche, reconnaît Wallerand de Saint-Just. On a fait des appels aux dons, aux prêts, mais nous sommes en janvier 2011 et nous sommes toujours vivant. »
Sauf que. Si pour le trésorier du Front « Le Rachinel est payé », Le Rachinel justement semble encore vouloir en découdre. En avril dernier, il espérait toujours obtenir la vente forcée du Paquebot, ancien siège du FN à Saint-Cloud. Après plusieurs projets de rachat avortés, le Paquebot est toujours en vente même si au FN, on se montre confiant : « Nous avons eu deux rendez-vous avec un acheteur, nous restons prudents mais nous espérons le vendre dans le mois. » Reste à savoir à qui profitera la vente…
Renouveler son président a un prix
Aux vieilles créances s’ajoutent les dépenses actuelles. Le Front prépare son renouveau et la campagne interne pour sa présidence nécessite de débloquer des fonds. Les deux candidats en lice, Marine Le Pen et Bruno Gollnisch, n’ont pas hésité à courir villes et campagnes pour convaincre les adhérents de voter pour eux. Le trésorier du FN évalue le coût de cette campagne à « 50 000 euros, à la louche » dont 30 000 euros consacrés aux frais d’affranchissements des courriers envoyés aux adhérents-électeurs. La somme paraît modeste mais à celle-ci s’ajoute les frais du Congrès de Tours. « Entre le traiteur et le palais des congrès, ça crache !, s’étouffe presque Saint-Just. Le congrès nous a coûté à peu près 200 000 euros : le siège ne prend rien en charge, les fédérations payent elles-mêmes leur déplacement, seul le personnel technique a droit à 20 euros par repas et l’entrée est payante de 10 euros. » Au FN, on ne plaisante pas avec les finances, un euro est un euro. Même s’il paraît impossible d’obtenir un chiffre exact…
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