Re: Alliance Galactique
Posté : 14 juin 2010, 18:25
13 Juin 2010
Laisser les drones faire la guerre [...
Cet article est le troisième (le premier est ici et le deuxième là) d'une série de trois sur la guerre technologique. Il a été publié sur Slate.com à la suite d'une conférence organisée par Slate, la New America Foundation et Arizona University qui s'est tenue le 24 mai à Washington DC et dont le thème était: «Warring Futures: How Biotech and Robotics Are Transforming Today's Military—and How That Will Change the Rest of Us» («Les conflits du futur: Comment les biotechnologies et la robotique transforment l'armée d'aujourd'hui - et comment cela va changer les choses pour nous.»)
...] Wall Street. Le cours de certaines sociétés d'envergure nationale et même internationale avait chuté de 60 % en quelques minutes, et l'action d'Accenture ou de Boston Beer allait tomber à un centime avant de remonter à 40 dollars quelques instants plus tard.
...] notre système financier part en vrille, échappant à tout contrôle parce que les algorithmes sur lesquels les grandes sociétés financières fondent leur activité se sont mis à se comporter de manière étrange et imprévisible. En pensant à tout cela, j'ai eu l'impression de me retrouver dans I, Robot (le roman d'Isaac Asimov, pas le navet avec Will Smith). A la fin du livre, l'humanité s'est habituée à vivre aux côtés des robots et une intelligence artificielle dirige une économie devenue bien trop complexe pour être laissée aux mains des traders.
Quand l'armée américaine a envahi l'Irak en 2003, elle ne possédait qu'une poignée d'avions télécommandés, couramment appelés «drones», mais dont la désignation précise est «systèmes aéromobiles sans pilote.» Aujourd'hui, nous en avons plus de 7.000, qui vont du Predator long de 15 mètres au micro-appareil qu'un soldat peut porter dans son sac à dos. Nos forces d'attaque n'utilisaient aucun «véhicule terrestre sans conducteur», mais nous en avons désormais plus de 12.000, comme le Packbot, qui fait la taille d'une tondeuse à gazon, ou le Talon, un peu plus petit, tous les deux capables de détecter et de désarmer les bombes artisanales cachées au bord des routes. Le Packbot est fabriqué par la même société qui produit le robot aspirateur Roomba. Cette société s'appelle iRobot.
Ces machines pourtant bien réelles peuvent nous sembler sorties tout droit d'un film de science-fiction, mais il ne faut pas oublier que nous n'en sommes qu'à la première génération, l'équivalent de ce que fut la Ford T pour l'automobile ou le Flyer des frères Wright pour l'aviation. A ce titre, l'Air Force et l'armée de terre viennent d'établir des feuilles de route qui prévoient d'utiliser toujours plus de robots autonomes et armés. Si, face à des évolutions si rapides et profondes, on peut facilement rester bouche bée, un peu comme les traders à Wall Street il y a quelques semaines,[...
Nous ne connaissons pour l'instant ni la nature ni l'étendue de ces changements, mais si nous voulons les contrôler, il faut commencer par poser les bonnes questions.
En l'espace de quelques années, malgré la lenteur d'une bureaucratie souvent rétive au changement, l'armée américaine est passée de zéro à des milliers de robots. Malheureusement, comme me l'a expliqué un capitaine de l'Air Force, l'attitude dominante n'est pas «Réfléchissons afin d'optimiser», mais plutôt «J'en veux plus!»
Il faudra aussi repenser le rôle des combattants et des civils à l'intérieur de ce nouvel espace technologique. A ce titre, est-il normal que 75% du travail d'entretien et de chargement des munitions sur le Predator aient été sous-traités à des entreprises privées, dont l'une des plus controversées, Blackwater/Xe?
A la date du 3 mai 2010, les véhicules américains sans pilote avaient effectué 131 frappes en territoire pakistanais,[...
Nous sommes dans une situation pour le moins curieuse: la seule véritable guerre aérienne dans laquelle les États-Unis sont engagés n'est pas dirigée par un général de l'Air Force, mais par un ancien élu de la Californie au Congrès. Cela signifie non seulement que des civils américains utilisent des armes de guerre contre d'autres pays, mais aussi que ce sont des civils, notamment des juristes, qui doivent trancher des questions complexes liées aux concepts et à la stratégie opérationnels ou aux règles d'engagement. Or ils n'ont été ni formés ni élus pour de telles missions.
La perception qu'a l'ennemi de ces questions est tout aussi importante. A environ 10.000 kilomètres des États-Unis, nos frappes «précises» et «efficaces» sont perçues comme «cruelles» et «lâches» par la presse du Moyen-Orient. «Drone» est devenu un terme péjoratif dans la langue urdu et des groupes de rock pakistanais chantent une Amérique qui a perdu tout sens de l'honneur.
A Taiwan, des voleurs en ont utilisé pour cambrioler des appartements, et, en Arizona, les «milices des frontières», qui opèrent à la limite de la légalité, ont envoyé des drones effectuer des patrouilles non autorisées par l'Etat.
En 2007, en Afrique du Sud, suite à un «problème logiciel», un canon anti-aérien automatique a tué neuf soldats pendant un entraînement. Enquêter et rendre une décision de justice sur de tels accidents, qui font penser à la célèbre scène de RoboCop, n'a rien d'évident.
Le progrès technologique semble accélérer à un rythme exponentiel, mais nos institutions peinent à suivre. Ainsi, les loi de la guerre, telles que définies par la Convention de Genève, ont été écrites à l'époque où les gens écoutaient Al Jolson en 78 tours et où une maison coûtait en moyenne 7.400 dollars.
A ce propos, l'état de notre secteur industriel et le niveau de nos écoles en mathématique ou en science ont de quoi nous inquiéter. Par exemple, les États-Unis forment aujourd'hui moins d'ingénieurs qu'en 1986. Mais pas d'inquiétude, l'offre de diplômes dans le domaine des « parcs, loisirs, bien-être et forme physique» a augmenté de 500%.
En terme de complexité, les robots n'ont rien à voir avec les porte-avions ou les bombes atomiques. La plupart des pièces qui les composent peuvent être achetées, et même fabriquées, assez facilement. La Luftwaffe d'Hitler n'a jamais réussi à traverser l'Atlantique pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais un aveugle âgé de 77 ans vient de le faire avec un drone qu'il a construit lui-même. Il apparaît donc inévitable que ces technologies finissent par tomber en de mauvaises mains. Ainsi, le Hezbollah a utilisé quatre drones contre Israël au Liban et, selon la rumeur, Al-Quaeda aurait cherché à utiliser des drones pour attaquer un sommet du G-8.
Comme l'a rappelé la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, une telle tragédie a été rendue possible par notre «incapacité à imaginer l'inimaginable». Nous serons très probablement confrontés aux mêmes difficultés dans le domaine de la robotique.
On peut bien sûr être tenté de ne pas prendre tout cela très au sérieux. Et il est vrai qu'un débat portant sur des lois applicables uniquement aux robots semble plus à sa place dans une convention de science-fiction que dans une conférence organisée par Slate à Washington. Mais souvenez-vous de ces vieilles chimères: le sous-marin de Jules Verne, «l'aéroplane militaire» de A. A. Milne, les «cuirassés terrestres» de H. G. Welles (rebaptisés «tanks» par Winston Churchill) et, bien sûr, la bombe atomique. Ce qui n'était qu'imaginaire il y a quelques décennies et devenu réalité à une vitesse incroyable.
Il est donc indispensable que des gens sérieux se penchent sur ces problèmes sérieux qui ne vont pas manquer de se poser bientôt. D'autant qu'avec les robots, on ne peut pas faire comme à la Bourse: annuler les opérations d'achat-vente qui nous dérangent et faire comme si rien ne s'était passé.
http://www.slate.fr/story/22887/guerre- ... otre-place
http://www.ovnis-usa.com/chronologie-des-drones/
Laisser les drones faire la guerre [...
Cet article est le troisième (le premier est ici et le deuxième là) d'une série de trois sur la guerre technologique. Il a été publié sur Slate.com à la suite d'une conférence organisée par Slate, la New America Foundation et Arizona University qui s'est tenue le 24 mai à Washington DC et dont le thème était: «Warring Futures: How Biotech and Robotics Are Transforming Today's Military—and How That Will Change the Rest of Us» («Les conflits du futur: Comment les biotechnologies et la robotique transforment l'armée d'aujourd'hui - et comment cela va changer les choses pour nous.»)
...] Wall Street. Le cours de certaines sociétés d'envergure nationale et même internationale avait chuté de 60 % en quelques minutes, et l'action d'Accenture ou de Boston Beer allait tomber à un centime avant de remonter à 40 dollars quelques instants plus tard.
...] notre système financier part en vrille, échappant à tout contrôle parce que les algorithmes sur lesquels les grandes sociétés financières fondent leur activité se sont mis à se comporter de manière étrange et imprévisible. En pensant à tout cela, j'ai eu l'impression de me retrouver dans I, Robot (le roman d'Isaac Asimov, pas le navet avec Will Smith). A la fin du livre, l'humanité s'est habituée à vivre aux côtés des robots et une intelligence artificielle dirige une économie devenue bien trop complexe pour être laissée aux mains des traders.
Quand l'armée américaine a envahi l'Irak en 2003, elle ne possédait qu'une poignée d'avions télécommandés, couramment appelés «drones», mais dont la désignation précise est «systèmes aéromobiles sans pilote.» Aujourd'hui, nous en avons plus de 7.000, qui vont du Predator long de 15 mètres au micro-appareil qu'un soldat peut porter dans son sac à dos. Nos forces d'attaque n'utilisaient aucun «véhicule terrestre sans conducteur», mais nous en avons désormais plus de 12.000, comme le Packbot, qui fait la taille d'une tondeuse à gazon, ou le Talon, un peu plus petit, tous les deux capables de détecter et de désarmer les bombes artisanales cachées au bord des routes. Le Packbot est fabriqué par la même société qui produit le robot aspirateur Roomba. Cette société s'appelle iRobot.
Ces machines pourtant bien réelles peuvent nous sembler sorties tout droit d'un film de science-fiction, mais il ne faut pas oublier que nous n'en sommes qu'à la première génération, l'équivalent de ce que fut la Ford T pour l'automobile ou le Flyer des frères Wright pour l'aviation. A ce titre, l'Air Force et l'armée de terre viennent d'établir des feuilles de route qui prévoient d'utiliser toujours plus de robots autonomes et armés. Si, face à des évolutions si rapides et profondes, on peut facilement rester bouche bée, un peu comme les traders à Wall Street il y a quelques semaines,[...
Nous ne connaissons pour l'instant ni la nature ni l'étendue de ces changements, mais si nous voulons les contrôler, il faut commencer par poser les bonnes questions.
En l'espace de quelques années, malgré la lenteur d'une bureaucratie souvent rétive au changement, l'armée américaine est passée de zéro à des milliers de robots. Malheureusement, comme me l'a expliqué un capitaine de l'Air Force, l'attitude dominante n'est pas «Réfléchissons afin d'optimiser», mais plutôt «J'en veux plus!»
Il faudra aussi repenser le rôle des combattants et des civils à l'intérieur de ce nouvel espace technologique. A ce titre, est-il normal que 75% du travail d'entretien et de chargement des munitions sur le Predator aient été sous-traités à des entreprises privées, dont l'une des plus controversées, Blackwater/Xe?
A la date du 3 mai 2010, les véhicules américains sans pilote avaient effectué 131 frappes en territoire pakistanais,[...
Nous sommes dans une situation pour le moins curieuse: la seule véritable guerre aérienne dans laquelle les États-Unis sont engagés n'est pas dirigée par un général de l'Air Force, mais par un ancien élu de la Californie au Congrès. Cela signifie non seulement que des civils américains utilisent des armes de guerre contre d'autres pays, mais aussi que ce sont des civils, notamment des juristes, qui doivent trancher des questions complexes liées aux concepts et à la stratégie opérationnels ou aux règles d'engagement. Or ils n'ont été ni formés ni élus pour de telles missions.
La perception qu'a l'ennemi de ces questions est tout aussi importante. A environ 10.000 kilomètres des États-Unis, nos frappes «précises» et «efficaces» sont perçues comme «cruelles» et «lâches» par la presse du Moyen-Orient. «Drone» est devenu un terme péjoratif dans la langue urdu et des groupes de rock pakistanais chantent une Amérique qui a perdu tout sens de l'honneur.
A Taiwan, des voleurs en ont utilisé pour cambrioler des appartements, et, en Arizona, les «milices des frontières», qui opèrent à la limite de la légalité, ont envoyé des drones effectuer des patrouilles non autorisées par l'Etat.
En 2007, en Afrique du Sud, suite à un «problème logiciel», un canon anti-aérien automatique a tué neuf soldats pendant un entraînement. Enquêter et rendre une décision de justice sur de tels accidents, qui font penser à la célèbre scène de RoboCop, n'a rien d'évident.
Le progrès technologique semble accélérer à un rythme exponentiel, mais nos institutions peinent à suivre. Ainsi, les loi de la guerre, telles que définies par la Convention de Genève, ont été écrites à l'époque où les gens écoutaient Al Jolson en 78 tours et où une maison coûtait en moyenne 7.400 dollars.
A ce propos, l'état de notre secteur industriel et le niveau de nos écoles en mathématique ou en science ont de quoi nous inquiéter. Par exemple, les États-Unis forment aujourd'hui moins d'ingénieurs qu'en 1986. Mais pas d'inquiétude, l'offre de diplômes dans le domaine des « parcs, loisirs, bien-être et forme physique» a augmenté de 500%.
En terme de complexité, les robots n'ont rien à voir avec les porte-avions ou les bombes atomiques. La plupart des pièces qui les composent peuvent être achetées, et même fabriquées, assez facilement. La Luftwaffe d'Hitler n'a jamais réussi à traverser l'Atlantique pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais un aveugle âgé de 77 ans vient de le faire avec un drone qu'il a construit lui-même. Il apparaît donc inévitable que ces technologies finissent par tomber en de mauvaises mains. Ainsi, le Hezbollah a utilisé quatre drones contre Israël au Liban et, selon la rumeur, Al-Quaeda aurait cherché à utiliser des drones pour attaquer un sommet du G-8.
Comme l'a rappelé la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, une telle tragédie a été rendue possible par notre «incapacité à imaginer l'inimaginable». Nous serons très probablement confrontés aux mêmes difficultés dans le domaine de la robotique.
On peut bien sûr être tenté de ne pas prendre tout cela très au sérieux. Et il est vrai qu'un débat portant sur des lois applicables uniquement aux robots semble plus à sa place dans une convention de science-fiction que dans une conférence organisée par Slate à Washington. Mais souvenez-vous de ces vieilles chimères: le sous-marin de Jules Verne, «l'aéroplane militaire» de A. A. Milne, les «cuirassés terrestres» de H. G. Welles (rebaptisés «tanks» par Winston Churchill) et, bien sûr, la bombe atomique. Ce qui n'était qu'imaginaire il y a quelques décennies et devenu réalité à une vitesse incroyable.
Il est donc indispensable que des gens sérieux se penchent sur ces problèmes sérieux qui ne vont pas manquer de se poser bientôt. D'autant qu'avec les robots, on ne peut pas faire comme à la Bourse: annuler les opérations d'achat-vente qui nous dérangent et faire comme si rien ne s'était passé.
http://www.slate.fr/story/22887/guerre- ... otre-place
http://www.ovnis-usa.com/chronologie-des-drones/